Leipzig (1749-1750)

Vendredi 4 avril 1749 : dicté à notre chère maman
En ce jour du vendredi saint, j’ai donné ma Passion selon Saint Jean. J’ai repris l’ordre initial en remettant au début ce chœur dont j’ai beaucoup parlé et dont les premières idées ont surgi en moi en voyant la mer. Je ne sais comment cela se fait mais les choristes avaient retrouvé une bonne technique. Ma mauvaise vue ne m’empêche pas de contrôler orchestre et chœur. C’est une question d’oreille et non d’œil.

Lundi 9 juin 1749 : dicté à mon fils Jean Chrétien, mon petit dernier.
J’apprends qu’aujourd’hui que Brühl, cet odieux petit bonhomme devenu premier ministre de Saxe et que j’ai connu tout jeune comme laquais à Weissenfels, a fait venir ici un de ses protégés, Harrer, un musicien que je connais un peu. Du temps où Keyserlingk était ambassadeur, cela n’aurait pu se produire. Ces messieurs de la municipalité ont bien sûr multiplié les courbettes et ont accepté qu’il vienne hier jouer, ici, à Leipzig, une cantate. Non dans une église mais en cachette, sans me le dire, dans la salle des Trois Cygnes, celle où se produit le Grand Concert. Il paraît que ce Harrer me remplacerait au cas où je viendrais à disparaître. Charmant… Je vais leur montrer que…


Été 1749 (sans date) : dicté à Kriegel, mon généreux remplaçant pour le latin.
Je me sens beaucoup mieux. J’ai trouvé une riposte à la nomination de Harrer comme Cantor après moi. Je vais faire redonner ma cantate Phoebus et Pan qui explique qu’il ne faut pas confondre musiquette pour amuser les ignorants faite par des médiocres comme Harrer, et musique qui élève l’esprit. Je voudrais en profiter pour « égratigner » certaines personnes. Kriegel a cherché parmi les personnages romains. Pour faire allusion à Ernesti, nous avions trouvé Hortensius (Hortens) connu pour son style confus et qui avait malgré tout pris le dessus sur Cicéron dans une joute oratoire. Pour faire allusion à Biedermann, recteur à Freiberg, nous avions choisi Orbilius, connu parce qu’il battait ses élèves (Orbilius ou Birolius sonne comme Biedermann quand on le chante). Grâce à l’aide de Kriegel, dans la musique Combat entre Phébus et Pan nous avons remplacé la phrase :
"Prends donc o cher Phoebus cette lyre à nouveau,
Il n’est rien de plus cher que ta douce chanson"
Par la phrase suivante
"Redouble, O Phoebus ta musique et tes chants.
Bien qu’Hortens et Orbil soient enragé contre elle" .
Nous verrons bien si les gens comprennent.
Je demande à Frédéric de me jouer du clavecin avant la prière du soir.

Juillet 1749: dicté à Doles, cher et talentueux élève de passage à Leipzig
Je dicte à Doles, ce jeune élève à qui j’ai enseigné pendant trois ans et avait hésité à me dire qu’il organisait le nouveau Grand Concert. Cela lui avait permis de se faire des relations parmi les notables. Écrivez cela, Doles et écrivez aussi que je ne vous en veux pas !
Un événement me fait entrer dans un état d’irritation que je n’avais pas connu depuis longtemps. Actuellement Doles est Cantor à l’église de Freiberg. Tout s’est bien passé jusqu’à l’arrivée du nouveau recteur. Exactement comme moi avec Ernesti. Il faut se méfier des nouveaux recteurs ! En octobre 1748, Doles et le recteur Biedermann, (Petit Parvenu), celui à qui j’ai fait allusion dans ma musique Phébus et Pan, ont fait ensemble un spectacle sur la paix de Westphalie d’après le texte d’un écrivain aveugle qui s’appelle Enderlin… Être aveugle ne gêne apparemment pas cet homme pour écrire: cela me rassure, car ma vue continue à baisser…
Je consulte la partition de Doles qui comporte des passages parlés et des passages chantés. Il y a de bonnes choses. Je peux encore lire des partitions: notez cela Doles.
Quelque temps après le recteur Biedermann est devenu pour Doles un vrai bourreau: il le contrôle sans arrêt pour tout et en particulier pour ses honoraires. Le bougre connaît le point sensible des gens ! Doles croit que ce recteur a été jaloux de lui à cause de l’influence qu’il a et du pouvoir de la musique sur les élèves. Ainsi, en mai dernier, il y a à peine 2 mois, ce satané recteur a pris le prétexte du nouveau programme de l’école pour y écrire en latin que la pratique de la musique éloigne les élèves des études et aussi que les anciens chrétiens excluaient de l’école les élèves qui faisaient trop de musique. Je passe sur les autres sornettes.
Cela est insoutenable ! Celui qui a écrit cela est un crétin, un petit… Il s’appelle Jean Dieudonné Biedermann (le Petit Parvenu) et qu’il aille au diable ! Il semble que Mattheson a écrit plusieurs articles contre ce recteur… Pour une fois il a raison et je l’approuve complètement!
Eh bien, Doles, nous allons réagir. Vous vous souvenez des critiques de Scheibe sur ma musique qui était soi disant ampoulée et inaudible? Le regretté Birnbaum m’avait alors proposé de prendre la plume pour répondre à ces attaques en écrivant des articles. Eh bien nous allons faire la même chose pour attaquer Biedermann. Vous voyez, Doles, j’y prends goût. À qui pourrais-je faire appel ? Ici à Leipzig, il n’y plus personne qui pourrait écrire ce genre de choses… Attendez, oui, je vais demander à Schröter. Il est membre de la société Mizler, il sait écrire car il est homme de culture. De plus il s’intéresse comme moi aux nouvelles techniques. Il se passionne en particulier pour ces petits marteaux qui viennent frapper les cordes sur les nouveaux pianoforte : cela donne un son plus doux et plus souple. C’est à lui que je vais demander de rédiger une réponse, une « réfutation » comme ils disent, à ce chien malfaisant de Biedermann.
Mais Doles, assez parlé, allons plutôt faire de la musique.

Dimanche 25 Août 1749 : dicté à Kriegel, mon cher remplaçant pour le latin
J’ai donné aujourd’hui pour la fête de la ville une nouvelle version de ma musique de remerciement à Dieu.
J’ai rajouté des trompettes à la Sinfonia dont Guillaume jouait si bien autrefois la partie d’orgue et que j’avais adaptée d’un prélude pour violon seul. Pour les textes, j’ai modifié quelques paroles. Il m’est venu l’idée de reprendre le chœur d’entrée qui commence par « Nous te remercions Dieu » pour le mettre à la fin de grande messe avec les paroles « Donne-nous la paix ».
Après avoir entendu cette musique de remerciement, tous ces messieurs les notables m’ont fait part de leur admiration, comme s’ils avaient parlé à un petit enfant sage. Sur Harrer et sa traîtrise de vouloir me remplacer sans me le dire, rien, pas un mot… Mais je vais leur montrer ce qu’un Bach peut faire, quand il se bat…
J’apprends que dimanche dernier ma fille a eu un bébé : ils l’ont appelé Jean-Sébastien et je suis le parrain. Je suis très touché et essayerai d’aller au baptême mais c’est loin.
Je vais revoir le Confiteor de ma grande messe.

Automne 1749 sans date : dicté à Emmanuel, mon très cher fils.
J’ai eu la joie d’accueillir Guillaume et Emmanuel. Ensemble, nous avons organisé une riposte à Brühl et à sa clique… Harrer et tous les autres. Pour la fin de cette année 1749, Guillaume donnera à Saint Thomas une de ses cantates et Emmanuel fera jouer son Magnificat qui est splendide, d’après ce qu’il m’en a montré. J’ai pu arriver à lire difficilement les partitions. On sent qu’il a été impressionné par mon Magnificat quand il était petit, ce dont je me réjouis. Ces messieurs des autorités ne se doutent encore de rien mais ils ne pourront rien me refuser. Voilà quelle sera ma réponse à Brühl: les Bach sont là et ce n’est pas fini.

Le Confiteor de ma grand messe. J’ai trouvé… Seule la musique peut exprimer plusieurs choses à la fois… La rémission et le pardon des péchés… espérance sereine d’abord puis un grand silence, comme soluble dans l’air, attente angoissée et implorante, la rémission des péchés… alors seulement peut éclater l’annonce de la résurrection d’entre les morts. Pourrai-je encore écrire cela moi-même ?


27 octobre 1749 : dicté à Vr, mon indispensable copiste.
Aujourd’hui, j’ai écrit une lettre au comte de Schaumebourg Lippe pour le remercier d’avoir répondu à ma requête et de prendre mon fils Frédéric à Bückenburg comme directeur de la musique. La femme du comte, qui a été la seconde épouse de mon cher et regretté Léopold de Cöthen, est je crois pour beaucoup dans cette décision. Je pense que notre Frédéric fera très bien l’affaire là-bas.

Début décembre : dicté à Bammler, premier préfet, mon fidèle copiste et remplaçant
Guillaume est arrivé. J’ai reçu la réponse de Schröter à cet imbécile de Biedermann. Les recteurs sont tous à mettre dans le même sac d’ordures. J’ai reçu aussi le pamphlet de Matheson: "Mithridate contre le poison d’une satire italienne" intitulée « La Musica ». Ce qu’écrit Mathesson est pour une fois excellent. Je vais envoyer une lettre à Einecken, un de mes élèves qui est resté ici cinq ans et a toute ma confiance. Il est en relation fréquente avec Schröter et poura lui transmettre ma lettre. Notez cette lettre, Bammler :
"La critique de Schröter est bien rédigée et selon mon goût. Elle sera prochainement imprimée et publiée. Le Mithridate de Mathesson a fait grosse impression ainsi qu’on me l’a écrit de source sûre. Si, comme je le suppose, quelques réfutations devaient encore suivre, je ne doute pas, que l’oreille rectomerdeuse de l’auteur n’en soit nettoyée et rendue plus apte à écouter de la musique".
Oui, Bammler, gardez ce mot « rectomerdeuse », il convient très bien à Monsieur Biedermann (Petit Parvenu), et à tous les recteurs en général d’ailleurs.

Décembre 1749 : Dicté à Guillaume, mon cher fils aîné
Mon fils à qui je l’ai fait lire me suggère de changer certains termes du rapport de Schröter. Toutefois je redoute son sens des maladresses qu’il a hérité de moi. (et lui dis franchement en lui dictant ceci, d’ailleurs je l’aperçois qui sourit). Voici ce qu’éventuellement nous pourrions modifier en réponse à ce malotru de Biedermann :
Quand il dit qu’autrefois les chrétiens excluaient les musiciens des écoles, nous pourrions mettre un titre qui serait :
"Jugement Chrétien porté sur le Programme publié en Mai 1749".
Nous avons aussi pensé à une phrase qui s’adresserait non seulement à ce recteur-là, mais aussi à la plupart des recteurs actuels dont Ernesti est un bon exemple :
…"peut-être plus versé dans les écrits païens des Anciens et les fables que dans la véritable parole de Dieu".
Et aussi une question qui me tient à cœur
"Si personne ne doit plus étudier la musique, que restera t’il de la Musique d’Église ? Où prendra t’on les musiciens de l’Opéra et de la Chapelle ? Et qu’en dira l’impôt sur les boissons ?"
Je demande à mon fils de se mettre en rapport Schröter pour avoir son avis sur ces modifications éventuelles. Il emmène l’ensemble à Halle, où il connaît quelqu’un pour le faire imprimer.


Décembre 1749 : dicté à Anne, ma tendre chanteuse.
Les fêtes de Noël se sont admirablement bien passées. Mes fils ont eu droit à des félicitations unanimes et sincères. Je suis content qu’en faisant jouer ici leurs œuvres religieuses, ils montrent l’attachement de notre famille à notre foi luthérienne. Brühl et ses sbires en prennent ainsi pour leur grade !
Quant à Frédéric, il va bientôt partir pour Bückenburg. Sa mère en a le cœur gros : c’est son premier « vrai » fils. Elle a écrit une jolie dédicace sur la bible que nous lui avons offerte. Les mots choisis sont pleins d’émotion : « ...en éternel souvenir et pour son édification chrétienne, Anne Madeleine Bach, née Wilcke, offre ce livre magnifique à son cher fils, ta fidèle et très affectionnée maman ».
Je dicte ces mots à Anne dont j’aperçois le sourire à travers la brume de ma faible vue. Je lui demande aussi de noter la prière de Luther que nous disons chaque soir :
"Je te rends grâce, ô mon Père céleste, par Jésus-Christ, ton Fils bien-aimé, de ce que dans ta miséricorde, tu m'as gardé pendant la journée qui vient de finir. Je te supplie de me pardonner tous les péchés que j'ai pu commettre, et de me garder aussi pendant cette nuit. Je remets entre tes mains mon corps, mon âme et tout ce que je possède. Que ton saint ange me garde, afin que Satan n'ait aucun pouvoir sur moi. Amen."
Maintenant je demande à ma chère femme de m’aider à aller jusqu’au clavicorde : je vais y jouer une de mes récentes versions pour orgue d’un choral, choral que nous allons chanter ensuite à quatre voix.

Janvier 1750 : dicté à Catherine ma chère fille aînée.
J’apprends que le fils de ma fille, le petit Jean-Sébastien, est mort…Je prie le Seigneur et nous chantons pour l’enfant le choral: "Des profondeurs, je crie vers toi"
Le voile devant mes yeux s’assombrit, il faut que je fasse quelque chose, je ne peux pas rester comme cela. Je vais consulter des médecins. Je demande que l’on convoque Quellmatz, de la faculté de médecine.


Février 1750 : dicté à notre maman, ma chère épouse
J’apprends la mort de mon ami luthier Hoffmann, c’est lui qui m’a fabriqué ma viola pomposa : il me lègue tous ses instruments. J’en suis si ému que je ne peux retenir des larmes. Pleurer me fait mal aux yeux.
Où en est la gravure de mon cahier de contrepoint et de fugues, ce qu’ils appellent l’Art de la Fugue ? As-tu retrouvé la fin de cette fugue à trois voix, sinon il faudrait que je la dicte. Faire le point avec Schübler. Anne, il faudrait qu’il voie cela avant que…
Je dis la prière du soir. La lumière des hommes…


Mars 1750 (sans date) : dicté à Anne, mon adorable cantatrice.
Je ne ressens aujourd’hui ni battements de cœur ni vertiges. Le docteur Quellmatz est venu me voir. Il dit que mon aveuglement peut se soigner. Il connaît deux spécialistes dans ce domaine. L’un est français et l’autre est anglais : il se peut que l’Anglais passe prochainement à Leipzig. Son nom est Taylor.
Ne voyant plus maintenant que la clarté du Seigneur, je suis gêné dans l’accomplissement des nombreuses tâches qui m’incombent envers Dieu et les hommes. Si donc il y a la moindre chance qu’un charlatan puisse améliorer ma vue, je la prendrai. C’est également ce que me conseillent plusieurs parmi les amis qui me restent et en qui j’ai confiance
Je profite de cette relative inaction pour jouer de l’orgue. Je vais parfois à Saint Thomas guidé par ma femme ou un de mes fils. Jouer sans voir me procure une joie inconnue. Devant moi s’ouvrent de nouvelles voies vers la musique et vers le Seigneur.
Ce qu’ils appellent l’Art de la Fugue ou ma grande messe n’est que peu de choses par rapport à ce que j’entrevois. Parfois j’ai l’impression d’être seul quand je joue dans cette église.
Seigneur donne-moi la force…

27 Mars 1750 : dicté à Catherine, ma chère fille aînée.
J’ai demandé à Catherine de m’accompagner à la conférence de Monsieur. Taylor, cet anglais qui soigne les yeux. Il a donné en français une leçon de trois heures : j’y ai reconnu tous les notables par leur voix. Je ne pouvais voir s’ils me voyaient mais d’après ce que j’entendais, Catherine sut ne pas nous faire remarquer. Le son du français m’a revigoré. Nous sommes allés voir le Chevalier Taylor pour lui demander quand nous pourrions nous rendre chez lui pour me faire opérer.

Avril 1750 : dicté à Monsieur Müthel, mon nouvel élève.
Le chevalier Taylor m’a opéré. Je me suis rendu à son domicile deux fois. Je n’y vois pas grand’chose mais mon état général s’est un peu amélioré. C’est cet état général qui explique ma difficulté à me mouvoir. Taylor dit partout que je vais guérir. Je lui ai demandé de me parler franchement. Il m’a dit en confidence qu’il ne me laisse pas beaucoup d’espoir de recouvrer la vue, il ne s’agit peut-être pas d’une cataracte ou du moins pas des formes qu’il connaît. Mais rien n’est impossible à Notre Seigneur. C’est sa volonté qui compte et non celle des charlatans. Quand je ne prends pas les médicaments qu’il m’a conseillé et qui enflamment horriblement mes humeurs, je vais mieux.
Je remercie M. Müthel de prendre ainsi sous ma dictée. Il vient d’arriver pour que je lui donne quelques leçons. Je lui donnerai son troisième cours demain. Enseigner sans voir est une bien curieuse façon de procéder mais Monsieur Müthel semble se faire à son nouveau professeur !


26 mai 1750 : dicté à Catherine, ma fille qui mérite presque le titre de maman.
Je suis bien embarrassé car mon fils Guillaume a fait exactement le contraire de ce que nous avions convenu. Croyant sans doute me faire plaisir, il a donné telles quelles à l’imprimeur de Halle nos modifications au rapport Schröter, sans même demander son avis à l’auteur.
Je vais donc envoyer la lettre suivante à Einecke pour transmission à Schröter. C’est la seule solution qui me reste :
"Je vous prie de transmettre mon compliment à M. Schröter, en attendant que je sois en état de lui écrire moi-même, car je désire m’excuser de la modification apportée à sa critique, n’y étant pour rien ; la faute est à imputer entièrement à celui qui s’est occupé de l’impression".


Juin 1750 : dicté à Bammler, mon irremplaçable premier préfet.
J’irai maintenant chaque jour jouer à l’orgue de saint Thomas. Görner ne m’en veut plus. Plus personne ne m’en veut. J’ai vu Ernesti sourire pendant que j’improvisai une double fugue à six voix parfaitement symétrique qui commencera mon prochain cahier…
Mon brouillon… Schübler… Cette plume qui m’a lâché. Mais qu’importe maintenant puisque d’autres formes de musique sont enfantées par mon cœur en feu. Des sons que jamais les hommes n’ont entendu.
Il est quelle heure… je dois donner ma leçon à Müthel.
Je veux aussi modifier certains de mes chorals…
Je vais aller à ma table de travail…


Juillet 1750 : dicté à Altnickol, mon bien aimé gendre.
Mon gendre et ma fille sont là. Quelle joie ! Je les vois… j’ai retrouvé la vue… je vais pouvoir écrire moi-même. Mes fils, mes filles, notre maman, mes chers élèves, vous êtes tous venu me voir. Nous allons chanter ensemble un choral.
Mais non, vous êtes venu en réalité pour… je sais, Dieu m’a rendu la vue pour que je vous voie une dernière fois. Enfin je vais aller vers lui, je vais rejoindre ma mère : il n’y a pas deux êtres au monde qui ont souhaité la mort chaque jour de leur vie autant qu’elle et moi…
Nous allons tous chanter ensemble le choral que j’ai préparé pour le jour de ma mort. Après quoi, Altnickol le jouera… comme je lui ai dicté… l’orgue… est-il là ? Après j’irai vous attendre pour l’éternité avec des musiques si belles que les humains ne pourraient les entendre sans mourir… Chantez avec moi les paroles que je vous ai apprises.
"Devant ton trône j’apparais maintenant,
O Dieu, je te prie humblement
Ne détourne pas ta sainte face
De moi pauvre pêcheur.

Donne-moi une fin bénie,
Le dernier jour éveille-moi
Seigneur, que je puisse te voir éternellement.
Ainsi soit il. Ainsi soit il. Écoute-moi".


***



Fin
note